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REPORTAGE. "Comment ça se fait qu'ils n'arrivent pas à s'entendre ?" : un an après la dissolution de l'Assemblée nationale, ces doutes des Français sur la politique

REPORTAGE. "Comment ça se fait qu'ils n'arrivent pas à s'entendre ?" : un an après la dissolution de l'Assemblée nationale, ces doutes des Français sur la politique

Un an après la dissolution de l’Assemblée nationale, franceinfo est retourné dans une circonscription où la gauche s’était désistée pour faire barrage au Rassemblement national. Témoignages croisés d’électeurs entre regrets, résignation et espoirs prudents.

Temps de lecture : 6min
Une personne tient une enveloppe avant d'aller voter. (NICOLAS VALLAURI / MAXPPP)

Le 9 juin 2024, Emmanuel Macron annonçait au soir des élections européennes, remportées par le Rassemblement national, la dissolution de l'Assemblée et l'organisation de nouvelles élections législatives. Résultat de ce scrutin anticipé : le parti de Marine Le Pen mis en échec à la faveur d'un barrage républicain organisé dans plus de 200 circonscriptions et trois blocs au palais Bourbon. Le reflet d'une France fracturée.

Nous sommes retournées dans l'une de ces circonscriptions où la gauche s'est désistée au profit du camp Macron. Il s'agit de la première circonscription du Loiret avec une partie très rurale et une autre, au contraire, très urbaine qui correspond à la banlieue d'Orléans avec ses pavillons coquets et en face, la cité. Au premier tour en 2024 : Renaissance, le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national, sont dans un mouchoir de poche. À 69 voix près, Ghislaine Kounovski, de gauche, se place deuxième et décide de se retirer.

Nous avons retrouvé cette pharmacienne à la retraite chez elle, dans le quartier de la source, un quartier dit sensible et qui avait largement voté pour elle. "J'habite ici où depuis 40 ans, j'y suis bien, raconte l'ancienne candidate. J'ai travaillé trente ans dans une pharmacie à la Source, où j'ai eu une clientèle de plus de 70 nationalités. C'était passionnant."

Elle explique ne pas regretter s'être désisté, "mais il faut quand même que ça change", estime Ghislaine Kounovski : "Le Front républicain a marché, mais le résultat est qu'on n'arrive pas à dégager une majorité. Ma décision principale, elle a été conforme à mon engagement républicain. Les gens me connaissent, ils ont eu du mal à comprendre en me disant : 'Mais vous étiez à 69 voix !' Sauf qu'ils ne voyaient pas le danger qu'il y avait derrière. Une députée RN de plus et peut-être une majorité à l'Assemblée nationale. Et je leur ai dit : 'Vous, les gens dans les quartiers populaires, qu'est-ce que vous allez devenir ?'"

Ces électeurs, qu'en pensent-ils un an plus tard ? Avec Ghislaine Kounovoski, nous avons quitté le lotissement et rejoint les HLM, de l'autre côté de la rue. Nous rencontrons Hafsa qui se souvient du désistement de la candidate de gauche aux législatives. "Elle a empêché le Rassemblement national de gagner. Elle a eu raison, mais peut-être si elle était restée jusqu'au bout, il y aurait une petite remontée, on ne sait pas...", explique l'étudiante. Elle souligne que le barrage républicain n'a pas freiné la progression des idées du RN.

"Ça fait un peu peur, on ne sait pas dans quelle direction on va aller, donc il faudrait qu'on se mobilise un peu plus, surtout nous les jeunes."

Un désir de s'engager que ne partage plus son voisin, Loic, qui travaille dans une station de lavage automobile. En un an, ce père divorcé a perdu ce qui lui restait d'envie de voter. "Regardez les Premiers ministres qui se sont enchaînés, c'est du n'importe quoi !, déplore Loïc. Un Premier ministre ne peut pas faire son travail en si peu de temps, c'était trop court. Comment ça se fait qu'ils n'arrivent pas à s'entendre ? Que ce soit de droite ou de gauche, il y a des réalités, on ne peut pas passer outre. Moi, je vis ici et j'y suis un peu contraint, mais je m'aperçois qu'en fait la population, elle est très riche et elle est très respectueuse. Il y a des choses qui ne vont pas, c'est sûr, mais ce n'est pas parce qu'ils sont étrangers, ça n'a rien à voir." Il aimerait un climat beaucoup plus apaisé : "Mais il faut aller vers les gens, il faut discuter avec eux, il faut connaître leurs attentes. Il y a des solutions, mais ce n'est pas les extrêmes, ça c'est sûr."

Dans cette circonscription, 28% des électeurs ont toutefois fait le choix du Rassemblement national au premier tour surtout en zone rurale. Nous allons à Mareau-aux-Prés, à 20 minutes d'Orléans, où résident 1 700 habitants. Clément sort de la mairie, d'où il vient de se pacser. Comme quatre électeurs sur dix, il a voté RN aux deux tours et il n'a toujours pas digéré le barrage républicain.

"Ce n'est pas normal. C'est un peu comme de la triche. Je suis frustré forcément, parce qu'on aimerait que ça change et au final, ça ne change pas et en fait, ça ne changera jamais."

Le jeune militaire attend donc sans conviction les prochaines élections et pareil pour Michel, 30 ans, manutentionnaire chez Amazon. "Aux présidentielles, j'avais voté justement pour Marine Le Pen., explique le militaire. Pourquoi ne pas essayer ? Toute façon ça ne pourrait pas être pire. Mais en soi, j'ai l'impression que peu importe pour qui on vote, ça ne changera pas."

Des gens, notamment les militants, continuent d'y croient encore un peu. Dans le centre-ville d'Orléans, on retrouve ceux qui n'ont pas le rôle le plus facile : des macronistes. "Notre travail de militant, c'est d'être sur le terrain, c'est d'écouter les gens, explique une militante. Une bonne idée, ce n'est pas si elle est de droite ou de gauche." "Est-ce que les municipales ne peuvent pas permettre aussi d'amener un progrès là-dessus ?, s'interroge un autre militant. Il y aura fatalement en pleine ville importante, des coalitions qui vont se mettre en place. On peut espérer se retrouver avec des élus qui vont propager la bonne parole et puis, plus tard, à l'Assemblée nationale, défendre ça."

Un espoir que les municipales donnent un coup de fouet à la vie politique parce qu'on y parle du quotidien des Français. Une envie de calme et de stabilité : en deux jours dans cette circonscription du Loiret, nous avons entendu personne demander une nouvelle dissolution.

Francetvinfo

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